Le test qui suit n'est pas inédit, il a été posté sous formes de feedback sur HCFR.
Il est un poil plus informel que ce que je fais d'habitude, mais si le tout vous intéresse, faites le moi savoir, et je ferais en plus des comptes-rendus d'écoute sur une liste de morceaux pour mieux retracer les caractéristiques du produit. (et dans ce cas j'ajouterai aussi des photos si j'arrive à en faire des pas trop dégueulasses)
Earsonics EM3-PRO
J'ai acquis les EM3 au mois de Juin.
J'ai eu l'occasion d'écouter pas mal d'intras classiques (des "universels") pour generationmp3, je possédais (et possède encore) des Westone UM2, mais je désirais passer "au cran au dessus".
En fait, étant souvent en déplacement, je tenais à essayer de retrouver une partie de la qualité de mon installation sédentaire (DAC Cambridge Dac Magic, Ampli Ray Samuels Audio HR-2, casques Grado RS1 et AKG K340) en nomade, ce que les UM2, aussi sympathiques soient-ils, ne permettaient pas.
L'achat des EM3 était pour moi un sacré pari, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, le prix de 930 euros environ (en comptant la gravure) n'est pas négligeable pour mon petit budget d'étudiant en lettres.
En outre, les moulés, ça ne se revend pas!
Enfin, bien qu'ayant écouté pas mal d'intras (chez Westone, chez Jays, chez Klipsch, chez Shure, chez Etymotics, chez Soundmagic et autres), le hasard ne m'avait permis d'écouter du matériel Earsonics.
J'ai tout d'abord pas mal hésité avec la concurrence, qu'elle soit américaine (Jerry Harvey et Westone essentiellement, marques sur lesquelles j'avais lu de bonnes choses) ou française (Insono, boite sur laquelle j'avais lu et relu les tests de Kroma et de IoZz sur GMP3).
Pourquoi Earsonics? Tout d'abord, je préférais acheter français, car je me suis dit que cela serait plus simple en cas de retouches. J'ai été bien inspiré, mes intras ayant du retourner deux ou trois fois chez ES à cause d'empreintes ratées par l'audioprothésiste. Christophe, de Earsonics, n'a pas hésité à refaire complètement l'un des deux écouteurs, ce dont je le remercie, et le tout sans frais.
Ensuite, j'avais lu énormément de bonnes choses sur la qualité de leurs produits, y compris face aux Jerry Harvey sensés utiliser une technologie plus moderne. (Trois voies, plusieurs transducteurs sur chaque voie).
J'ai donc sauté le pas.
Après de longues discussions téléphoniques avec le dirigeant de la société (très dispo et avenant), je me suis tourné vers les EM3. Les EM2-Pro me semblaient un peu trop typés monitoring, et soyons francs, je ne suis pas un adepte de la neutralité pour la neutralité.
Le caractère a priori un peu plus enjoué et plus chaud des EM3 me tentait.
Ainsi donc, que dire du fleuron des intras moulés de cette petite société du sud de la France?
Je ne vais pas employer ma méthodologie habituelle pour les tests, en disséquant le son morceau par morceau, je me contenterai de fournir mes impressions de manière plus informelle.
Les sources utilisées ont été: un Samsung P2, un Sandisk Sansa Fuze, et plus récemment un Cowon J3.
Autrement dit, trois baladeurs dont la qualité audio n'est plus à prouver (si l'on excepte le petit problème de souffle du P2)
Les fichiers utilisés sont soit du FLAC, soit du MP3 VBR0 encodé par mes soins avec la dernière version de LAME.
1°) Design, packaging, accessoires.
Peu de choses à dire sur le design. Comme tous les moulés, ils prennent la forme de sortes d'osselets en acrylique dûr.
J'ai choisi du bicolore rouge translucide/noir translucide, et une gravure au laser.
Le packaging, ascendance professionnelle sans doute, est minimaliste mais bien pensé: une petite mallette en plastique dur rembourrée de mousse.
Les accessoires se limitent à des lingettes nettoyantes et la classique "brosse à miel".
2°) Finition, solidité, confort, isolation.
La finition est exemplaire pour des intras. Il n'y a pas de bulles dans l'acrylique, la gravure est nette et ne bave pas, c'est sobre et sérieux.
Concernant la solidité, c'est du classique pour des moulés, mais on note quelques bons points spécifiques aux intras Earsonics: tout d'abord, les coques des Em3 sont des coques pleines et non creuses. C'est un choix fait par la boite pour des raisons acoustiques, mais j'avoue que cela confère une meilleure impression pour la tenue dans le temps. En outre, afin d'éviter les faux contact, les concepteurs ont depuis peu rajouté un léger renfoncement au niveau des connecteurs du câble (remplaçable, évidemment): cela minimise le risque de torsion ou de cassure des broches de connexion. Idée très simple, mais pertinente et propre aux produits Earsonics.
Concernant le confort. Bon, je pars du principe que les utilisateurs ont déjà utilisé des intras et les supportent sans soucis. (je vois mal un néophyte sauter le pas des EM3 sans jamais avoir testé d'IEM!)
Le confort dépend évidemment de la qualité du moulage. J'ai du faire faire une ou deux petites retouches (mais j'ai des oreilles bizarrement fichues), et le confort est à présent excellent: je peux garder les EM3 durant plusieurs heures sans la moindre gêne, et ils se mettent et s'enlèvent extrêmement simplement, plus facilement que des intras classiques type Westone UM2.
Le câble torsadé (du même genre que celui utilisé par Westone sur ses intras, et que la majorité des autres constructeurs de moulés) est léger, robuste, et n'émet aucun bruit de frottement, ce qui est très appréciable. Les intras se portent à la manière pro classique, câble par dessus l'oreille retombant dans le dos. La partie se posant sur l'oreille est à "mémoire de forme", et une fois réglée à votre guise, le câble ne bouge plus.
Personellement, j'ai l'habitude des intras, et je porte plus facilement les EM3 durant des heures que la majorité des casques: aucun poids sur la tête, pas de velours qui gratte, pas d'oreilles écrasées, pas de pads qui tiennent chaud...en outre, les moulés ne donnent pas l'impression de surpression dans le conduit de la majorité des intras classiques. Bon, après, il y a toujours des allergiques aux intras, je comprends....
L'isolation, elle aussi, dépend énormément de la qualité des empreintes.
Si celles-ci sont bien faites, l'isolation est excellente, à peu près identique à ce que proposent les intras classiques les plus isolants du marché affublés de mousses Comply Large. Mais les moulés s'avèrent bien moins intrusifs que des mousses Comply ou des silicones Triflange.
3°) Le Son.
Bon, on en arrive enfin au plus intéressant. Que valent ces petits joujous hors de prix (selon mon entourage ) au niveau de la reproduction sonore?
Bon, je ne vais pas tergiverser. Je suis assez enchanté, et ce même quelques mois après, l'euphorie naturelle du moment de l'achat étant passée.
Le premier essai des EM3 est assez "troublant".
Pourquoi donc?
Parce que leur niveau de détails ne saute pas immédiatement aux oreilles.
En effet, pas mal d'intras classiques gonflent artificiellement le haut medium (autour de 3-4Khz) et une partie de l'aigu (autour de 8Khz) pour donner une impression de détails et de clarté artificielle (type Q-Jays, ou gamme Etymotics). Ce n'est pas le cas des EM3, plus "mats" que les références citées.
On tend alors un peu l'oreille, on prend le temps de s'habituer à la signature (surtout pour moi qui apprécie les casques tirant un peu sur le haut medium et l'aigu, type AKG K340, K701, Grado RS1...)
C'est à ce moment là que je suis tombé sous le charme.
Les EM3 possèdent un grave assez opulent, et un bas medium un peu souligné. Ils sont indéniablement "chauds".
Néanmoins, ils ne tombent pas dans le piège courant, et ne "matraquent" pas dans le bas du spectre, loin de là.
Les graves sont présents, mais seulement lorsque la musique l'exige. Ils sont un peu soulignés, mais extrêmement rapides, nets, détaillés, jamais "boomy".
Quand je parle de grave, je parle de "vrai grave", comprenons nous bien.
Le grave descend véritablement bas avec justesse et nuance, là où il serait facile de tricher et d'en rajouter des tonnes autour de 100 ou 150 Hz.
Le bas medium confère un rendu assez "organique" au son, un rendu charpenté. Mais le tout est fait avec maîtrise, et jamais cela ne déborde.
Il y aurait beaucoup à dire et à écrire sur le medium des EM3. En fait, c'est tout simplement ce que j'ai entendu de mieux sur de sintras, et cela s'avère supérieur à pas mal de casques réputés. Les voix sont d'une justesse assez exceptionnelle, possèdent du corps, de la présence. Sur ce point, les EM3 s'avèrent meilleurs (selon moi) que des casques comme le K701, le RS1 (que je trouve très bon à ce niveau) ou le HD650.
Le haut du spectre mérite que l'on s'y penche. C'est souvent là où le bas blesse avec les intras: on trouve soit des aigus courtauds et peu étendus (UM2), soit une brillance artificielle (Q-Jays, Etymotics, etc...) pseudo-analytique. Les EM3 se démarquent nettement, en cela qu'ils s'avèrent doux, avec un niveau de détails assez troublant.
On est surpris la première fois par ce rendu légèrement mat (enfin, relativisons: j'ai l'habitude des casques un peu "montants"...). Les détails sont là, mais ne vous sont pas "jetés aux oreilles" de manière artificielle. Ils sont juste à leur place.
Les Em3 s'avèrent ainsi extrêmement détaillés, justes sur les timbres (et je pèse mes mots. La richesse des timbres est supérieure à ce que l'on trouve sur pas mal de très bons casques "fullsize" amplifiés). C'est un choix intéressant à mon goût, fournissant un rendu ultra détaillé, mais sans agression ni racolage.
Plus spécifiquement, les aigus s'avèrent extrêmement nuancés, justes.
Ce n'était pas gagné, dans la mesure où les armatures équilibrées coupent à 18Khz (mais méfiance avec les chiffres. Ils se passe généralement peu de choses passé 15 ou 16Khz dans la musique, en pratique. )
Earsonics travaille énormément son aigu, en particulier en ce qui concerne la restitution des harmoniques pairs. (à en croire Frank Lopez, l'oreille occidentale et en particulier européenne, de part la manière dont elle est éduquée musicalement, y serait particulièrement sensible)
Il en résulte un aigu doux, que les amateurs de clarté et de brillance trouveront peut être un peu sage....cela se défend. Mais bien que je sois amoureux de mon Grado RS1 très dynamique et démonstratif à ce niveau là, je dois reconnaître l'extrême justesse des EM3 à ce niveau....et avant achat, c'est justement ce point qui me faisait un peu peur.
Bon, il faut replacer les choses dans leur contexte: des intras ne sont pas un casque fullsize ouvert branché sur un gros ampli de chez RSA, Rudistor ou SPL.
Fatalement, il y a des différences, des limitations propres au caractère fermé des intras, et au fait que la partie externe de l'oreille ne soit pas sollicitée.
Ainsi, autant je parle des graves de façon très laudative, autant il serait utopique de rechercher l'impact physique que produisent des casques comme le Beyer DT770, le Victor DX1000 ou le Sennheiser HD650 dans une certaine mesure. C'est le même phénomène entre des intras et un casque que celui qui existe entre des enceintes et un casque, bien que la différence soit moins prononcée.
J'ai d'ailleurs eu l'occasion de m'en rendre compte, ayant eu en prêt pour test l'un des meilleurs casques nomades du marché, à savoir l'Audio Technica ES10, à peu près au moment de la réception des Em3-Pro: l'impact physique n'est pas comparable, en faveur de l'ES10. (après, les Em3 écrasent l'ES10 pourtant excellent sur d'autres points tels la justesse des timbres, mais là n'est pas la question)
Je tiens aussi à m'étendre un peu sur la question de la scène sonore.
Bon, enfonçons les portes ouvertes, les EM3 n'ont ni la largeur d'un K701, ni la profondeur d'un HD650, cela va sans dire.
La présentation est plus frontale, et plus "in the head". C'est l'évidence même, cela a été dit et répété.
Par contre...doit-on en déduire que le "soundstage" est faiblard et compressé?
Eh bien non, mais alors pas du tout.
Tout d'abord, la largeur de scène n'est pas comparable avec celle d'un casque ouvert ou celle de certains fermés, mais elle demeure très supérieure à tout ce que j'ai pu entendre avec des intras.
Ensuite, une scène sonore large, c'est important, mais un placement précis et réaliste des instruments, ça l'est pour moi encore davantage.
Des casques comme le Grado RS1 ou l'Alessandro MS Pro possèdent une présentation très frontale et une scène sonore de très faible largeur, mais une séparation des instruments, une précision de placement de ces derniers, et un étagement des plans de très haute tenue. (supérieurs à certains casques que l'on qualifie souvent de très larges et très aérée. J'ai toujours trouvé le K701 très aéré mais un poil flou et hésitant à ce niveau, par exemple).
Une scène sonore large n'est pas forcément une scène sonore réaliste et précise.
Et si les EM3, étant des intras, n'excellent pas en largeur, ils ont d'autres atouts.
La séparation des instruments, leur placement, et l'étagement des plans (que ce soit en hauteur, en largeur ou en profondeur) est d'une précision assez redoutable.
On est donc en face d'une présentation assez frontale, pas forcément hyper étendue, mais extrêmement lisible.
Bon, après, c'est une question de priorités, et certains seront un poil gênés par l'aération un peu réduite inhérente à toute paire d'intras, mais il serait erroné d'en déduire qu'il en résulte une présentation brouillonne et forcément inférieure à ce que propose un bon casque.
C'est différent, juste différent, peut être un poil moins réaliste, potentiellement gênant pour les amateurs de grande formation classique, mais d'un autre côté, les amateurs de rock, de blues, de petites formation jazz apprécieront probablement cette impression de proximité.
Conclusion
Bon, j'étais parti pour un bref feedback, et les choses commencent à tirer en longueur!
Pour conclure, non, je ne vais pas revendre mon installation sédentaire, et oui, certains casques me tentent autant qu'avant (Ultrasone ED9, Victor DX1000, etc...), mais je retrouve une partie des qualités de cette installation en usage nomade...et même, je me surprends à utiliser les EM3 à la maison, tant leur maîtrise, leur extrême polyvalence et leur alliance de dynamique (au sens strict de capacité à restituer l'écart entre les sons les plus faibles et les plus forts d'une piste sonore donnée) et de douceur m'a convaincu.
Alors oui, je garde mon Grado et mon AKG.
Mais oui, les EM3 sont des IEM de très haut niveau: en fait, il s'agit tout simplement de ce que j'ai entendu de mieux en matière d'écouteurs intra-auriculaires.
Et oui, il faut tordre le cou à la conviction autrefois juste mais actuellement très discutable selon laquelle un casque demeurera toujours supérieur sur tous les plans face à des intras de gamme avoisinante.
Wolf