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ISOLATION – exercice littéraire communautaire

Publié : 16 févr. 2015 17:04
par burndav
Bonjour à tous,

Les personnes malentendantes, à ce qu'on dit, voient leurs sens autres que l’ouie développés pour compenser leur perte d'audition et, en conséquence, leur lecture du monde en est modifiée. A leur instar, lorsque nous sommes plongés dans notre audiophilie nomade, isolés par nos intras ou nos casques fermés, notre perception de ce qui nous entoure est affectée.

L’idée, issue de ce constat, est de s’amuser, chacun son tour, à écrire de courts textes ou des nouvelles, ou n’importe quoi d’autre, autour de cette perception modifiée, et de le partager ici.

Je ne sais pas ce que ça va donner, à vrai dire. J’ai de mon côté deux-trois idées derrière la tête, mais il serait sympa que beaucoup d’entre vous participent. Quand on aura plein de textes, on pourra soudoyer l'équipe blog les publier sur le feed TN ;-/

Ça vous dit ? Participez !

Re: ISOLATION – exercice littéraire communautaire

Publié : 16 févr. 2015 17:05
par burndav
[réservé pour mettre l'index potentiel des textes]

Re: ISOLATION – exercice littéraire communautaire

Publié : 16 févr. 2015 17:11
par burndav
Charité bien ordonnée commence par soi-même : un texte écrit rapidement samedi matin juste après avoir trouvé cette idée, dans un train. Le texte est librement inspiré par le rassemblement du fan-club de CoA. (Les faits et les personnages sont tous fictifs, bien entendu. Toute ressemblance ne serait que coïncidence.)

Isolation 1 : le meeting.

Cela faisait à peu près une heure qu'ils parlaient avec animation de choses incompréhensibles au commun des mortels : à l'adaptation d'impédance avaient succédé les qualités de différents tubes et leurs raretés respectives. Le tout était entrecoupé de commentaires, souvent acides mais ponctués par des rires, sur les absents.

Il s'était engagé sur un dialogue, pour le coup plus posé, sur les propriétés respectives de la silicone et de l'acrylique pour la constitution du corps d'un écouteur intra-auriculaire moulé. Sans trop de conviction – sa motivation était émoussée à la fois par la fatigue, l'alcool et un sentiment de déjà-vu – il prit des mains de son voisin de droite une paire d'écouteurs plutôt volumineuse. Non sans mal et sous le regard scrutateur d'une partie de la tablée, il enfila les canules dans ses oreilles. Un geste d'assentiment lui permit de signifier que tout se passait bien et de détourner l'attention des curieux. Le confort était étonnement élevé pour un modèle moulé sur les oreilles d'un autre et l'isolation totale.

Autour de lui, sous la lumière crue des spots disséminés dans le bar, les gens évoluaient sans bruit. Tous parlaient de façon muette, riaient dans un silence parfait et reposaient violemment leurs verres sur des tables qui semblaient absorber tout l'impact. Une fois privé de la ponctuation de son activité par les bruits, le monde paraissait prendre son temps et de la distance, sans pour autant perdre de sa substance. Au contraire, ce tableau offrait, aux yeux de son spectateur, une texture nouvelle. Il se tourna vers son voisin de droite, qui lui retourna un regard empreint de sympathie et de connivence, un pouce dressé et l'autre main agrippée à une pinte de bière noire. Le type, dont il avait oublié le nom, détourna les yeux pour les braquer vers son vis-à-vis, son interlocuteur du moment.

Il baissa les yeux. La lumière avait une densité anormale, apportant un contraste trop marqué aux choses. Devant lui, entre deux bocks, une flaque de bière tentait de devenir rivière, explorant lentement les veines du bois, profitant de la patine pour coloniser en s'étoilant une surface de plus en plus grande. Un téléphone, dont les bords métallisés tranchants attiraient les reflets lumineux fut retiré à la hâte devant la progression impérialiste du houblon.
Il vit que ses propres mains, jointes autour du baladeur dans un geste proche d'une prière, parcouraient, seules, les menus et le contenu de l'appareil dans une suite de manipulations lentes, maladroites, et sans qu'il ne semble en maîtriser les tenants et aboutissants. Ses mains avaient acquis une indépendance qui permettrait de donner le change, d'éviter le questionnement.

Il releva la tête et fit face au type assis de l'autre côté de la bière renversée. Haut de taille et solidement bâti, le cheveu court et raréfié, celui-ci parlait silencieusement avec une animation visible. Le grand gars s'était dépossédé de son manteau et de son pull mais avait gardé un imposant casque audio, reposant sur sa nuque comme une minerve grignotant son menton. Son visage était large, sa mâchoire prononcée et ses pommettes saillantes protégeaient des traits plutôt doux, un nez effacé, des grands yeux rapprochés et des sourcils fins, expressifs. Le géant semblait engagé dans une explication passionnée et lançait ses bras dans de grands gestes qui n'étaient pas sans inquiéter un peu ses voisins, une petite brune menue au visage couvert de taches de rousseur et un grand échalas aux cheveux coiffés en brosse qui repoussait sans cesse ses lunettes sur son nez en appuyant sur leur monture d'un réflexe nerveux. Tous les trois étaient souriants et visiblement assez loin de la sobriété. A leur gauche, la table s'étendait devant quatre autres passionnés qui échangeaient leurs écouteurs dans une chorégraphie chronométrée mais compliquée ; à leur droite, une chaise, recouverte de blousons de sacs et d’écharpes, formait un rempart fragile face à une grande tablée d'étudiants exubérants à défaut d’être audibles.

Il se rencogna sur son bout de banquette, tentant de voir au-delà du colosse dégarni. La table directement derrière la leur accueillait quatre types en costume, deux d'entre eux encore cravatés, chacun penché sur son téléphone portable. Il eut fugitivement l'image d'une table de monastère, ses occupants, ayant fait vœu de silence, occupés par leur ouvrage sacré. Les quatre hommes s'échangeaient parfois des regards, hochaient la tête à l'unisson à certains moments et il en déduit que les quatre devaient maintenir une forme de communication. Peut-être via textos.

Autour d'eux, d'autres tables, d'autres convives, d'autres pintes. Il se prit à observer le mouvement de la bière dans les verres, se concentra sur la formation des vagues à la surface du liquide, à cette impression de viscosité renforcée par sa perception modifiée. Les différences de comportement du liquide et de la mousse sur les surfaces de verre, en fonction des types de brassage, lui apparaissaient assez nettement, comme s’il avait filmé l’ensemble au ralenti. Il observa que la densité de la mousse des Guinness était faible et ne formait pas les anneaux caractéristiques de celle qui est brassée et bue en Irlande.
Autour des tables, le fourmillement coordonné des serveurs lui donnait un léger tournis mais la manière dont ceux-ci brandissaient miraculeusement des verres pleins, de la monnaie ou des appareils pour carte bancaire avait quelque chose de fascinant, voire obscène. Et partout, les lèvres s'animaient sans bruit, articulant des mots sans les dire. La petite brune éternua silencieusement, non sans que des postillons accrochent la lumière, sans doute remarqués de lui seul.

Le ballet de mimes commençait à le lasser et même la poussière en suspension, prise au piège dans le faisceau des lampes avait perdu de son pouvoir de fascination. Il ferma les yeux brièvement puis croisa son regard par hasard. Il ignorait depuis combien de temps elle le fixait. Elle était assise au bout d’une table, à l'autre bout de la salle. Elle aurait dû lui présenter son côté droit mais était tournée vers lui, ignorant la douzaine de ses amis attablés avec elle. Une mâchoire engagée et pointue faisait ressortir d'autant plus un cou long et gracile et la fragilité de sa gorge. Sa bouche aux lèvres minces arborait une teinte carmine, cosmétique. Son nez était long et mince. Ses yeux – verts à ce qu’il pouvait en juger – paraissaient immenses. Ses sourcils étaient denses et hauts perchés. Son expression était celle d'une très légère inquiétude, celle qu'on doit arborer, se dit-il, quand on se demande si on va prendre un dessert. Une lumière placée au-dessus d'elle la punaisait sur sa chaise, accentuant un peu le teint hâlé de sa peau, les ombres sur son visage et le creux de ses joues mais embrasait le pourtour de son épaisse chevelure noire. Elle lui sembla incroyablement belle et beaucoup trop loin. Il en voulut au reste de la salle de ne lui permettre de voir que son buste. Il voulait la détailler, voir comment elle s'était habillée, apercevoir ses jambes. Plus que tout, il voulait l'étreindre, la faire sourire, effacer les petites rides d’inquiétude sur son front haut.

Il se rendit compte qu'il la dévisageait depuis un moment et lui adressa un sourire. Son estomac se contracta quand elle le lui rendit. Autour d'eux, tous les regards de la salle se dirigèrent vers la table des étudiants, tous debout et applaudissant sans bruit. Il aperçut la scène du coin de l'œil sans détourner le regard. Sans cesser de sourire. Quelques gouttes de la bière colonialiste tombèrent sur ses genoux. Elle le quitta des yeux, interpellée par sa voisine. Il imagina l’odeur de ses cheveux, la texture de sa peau, la chaleur de ses mains, la finesse de ses chevilles, le balancier de ses hanches quand elle marche, la couleur que prennent ses iris les jours d’été, la manière dont ses joues rosissent quand elle est émue. Il observa la manière dont elle posa son menton sur son poing, attentive. Il nota la manière dont elle portait son verre à ses lèvres. Il détailla, image par image, chacun de ses mouvements. Si elle devait se lever pour aller fumer, il prendrait une cigarette à un de ses voisins – la première depuis 3 ans – et la suivrait. Si elle devait se lever pour aller aux toilettes, il devrait se retenir très fort d’y aller aussi. C’était le début de la soirée, il avait le temps mais il ne raterait pas la première occasion qui se présenterait – au pire, il s’en créerait une. Il détourna son regard à son tour.

Enfin, il appuya sur "play" et la musique démarra.

Re: ISOLATION – exercice littéraire communautaire

Publié : 16 févr. 2015 20:27
par sausalito
allez je me jette à l'eau,mais après burndav dur dur :mrgreen:

Comme d'habitude je suis réveillé vers 5h45
Debout à 5h48 je descend l'escalier,passe devant l'ordinateur que je mets en marche comme d'habitude,je vais direct mettre en marche la machine à café,et encore plus directement je m'enfuis vers la "réserve" fumer la première de putain de clope de la journée, la fin de la cigarette corresponds à une filtration complète du café et il est temps de se réveiller!
il doit être 6h05,il est temps d'aller s'assoir devant l'ordi,vite une gorgée de café,cliquer sur recherche google,TN,"quest-ce qu'ils ont pu raconter depuis hier soir?"
deux messages,j'adore recevoir des messages,Space parle des découvertes qu'il a faites en intras,putain ce mec,il peut essayer un nombre incalculable de matos,c'est loin le japon?
Première gorgée de l'or du café,tiens, jxh rale encore sur un tapamachin!
devant l'écran le temps passe façon tgv,c'est l'heure de brancher les K10 et de commencer par une des rares personnes qui pourrait être assimilée à une idole
Brian Wilson chante "god only knows" et jusqu'à mon dernier jour ce sera mon pain quotidien
après c'est de l'aléatoire,classique, dylan,enfin tout l'attirail baba pendant qu'un autre ZX1 fait son entrée dans les PA
et tout à coup lumière dans la pièce,regard à gauche,à droite,ma femme fait de grands balancements avec ses bras
OK,ça veut dire sort VITE tes intras,non mais t'entends pas le TELEPHONE!!!
on se calme ,retour à la musique,je mets quelque vidéos sur mon site préféré...
un grand coup sur mon épaule,regard apeuré en arrière
le TELEPHONE,hurle ma bien aimée,"ah,bonjour maman,ça va oui et toi bla bla..."
remusique renirvana re elle court devant moi,oui je sais ,encore le TELEPHONE
c'est décidé demain j'achète des moulés :mrgreen:

Re: ISOLATION – exercice littéraire communautaire

Publié : 17 févr. 2015 09:41
par burndav
TellementVécu :bravo:

Re: ISOLATION – exercice littéraire communautaire

Publié : 17 févr. 2015 10:16
par sausalito
merci :DD
mais pas de comparaison avec ton texte :jap:

Re: ISOLATION – exercice littéraire communautaire

Publié : 17 févr. 2015 10:50
par kurinoko
Woaw c'est déjà génial ce topic !!

Et burndav, tu as un sens du détail particulièrement aiguisé :bravo: