Ambient Acoustics
MAD24
PréambuleMAD24
Avant toute chose, j’adresse un grand merci à Ambient Acoustics pour le prêt des MAD24 et à MrLocoLuciano pour avoir organisé ce tour. J’ai pu grâce à eux disposer de ces intras pendant une dizaine de jours et avoir ainsi mon tout premier contact avec le très-haut-de-gamme dans le domaine de l’audiophilie nomade.
Comme la plupart d’entre vous le savent, je connais un peu le HDG des intras, plutôt bien le MDG et très bien l’EDG.
Les seuls intras au-dessus de 1000 € qui m’ont convaincu jusqu’à présent sont les InEar Prophile8 (que je n’ai eu qu’en prêt, hélas, mais que je ne possède pas) et les FitEar ToGo! 334 (que je possède pour leur part depuis déjà un certain temps).
Il ne faudra donc pas vous attendre, dans ce retour, à un comparatif avec des modèles de gamme équivalente : je n’en ai jusqu’à présent écouté aucun.
Mes sources pour ce test :
— MusicBee sous WASAPI → Pioneer-U-05-S → Geshelli Labs Erish → adaptateur MassDrop XLR4 mâle vers jack 2,5 TRRS femelle → iFi Audio iEMATCH 2.5 en mode Ultra
— A&K Kann (sortie casque symétrique)
Les MAD24 étaient équipés d’embouts Sedna de la marque coréenne Azla (embouts à large orifice de sortie) et pour câble d’un Penon Fiery avec conducteurs en cuivre monocristallin.
Les autres modèles d’intras avec lesquels je les ai comparés dans ce test étaient des FitEar ToGo! 334 dotés d’un câble symétrique Lunashop en argent plaqué or et d’embouts Tennmak Whirlwind ainsi que des MassDrop Plus (Drop+) pourvus d’un câble OAO Darkzunicorn Silver et d’embouts JVC Spiral Dot.
Ambient Acoustics est une entreprise ukrainienne fondée en 2009 et spécialisée dans les écouteurs intra-auriculaires moulés ainsi que dans les prothèses et protections auditives
Les MAD24 sont proposés sur leur site au prix de $3500 hors frais de port.
Ce sont des intras qui, comme leur nom l'indique, ne comprennent pas moins de vingt-quatre armatures par écouteurs : quatre consacrées au rendu des basses et des infra-basses, quatre à celui des aigus et seize à celui des médiums, dont huit réservées à la seule restitution des hauts-médiums. Certaines de ces armatures sont « ouvertes », c’est-à-dire qu’elles comportent des évents (comme les BA de la marque Sonion contenus dans les MassDrop Plus, par exemple).
Ambient Acoustics se targue d’avoir rassemblé plusieurs innovations technologiques dans les MAD24, dont principalement un filtre en peigne censé éviter les sibilances et des correcteurs de phase pour synchroniser les signaux des armatures entre eux et prévenir les effets de décalage temporel entre bandes de fréquences.
Malgré toute cette électronique embarquée, ces intras ne m’ont pas paru si volumineux que ça. J’ai même pu m’endormir un soir en les portant ! Certes, ils sont gros mais je les ai trouvés par ailleurs assez confortables.
Petite anecdote : mon épouse, qui est pourtant habituée à me voir avec des cailloux dans les oreilles, a marqué un temps d’arrêt en pénétrant dans mon bureau quand j’ai enfilé pour la première fois les MAD24. Je l’avais pourtant prévenue que mes nouveaux pensionnaires temporaires avaient un certain embonpoint. Elle n’en a pas moins émis le commentaire suivant: « Ah, ouais, quand même… Tu t’es fait élargir les conduits ? »
Comparaison de dimensions avec les FitEar ToGo ! 334, au centre, et les Drop+, à droite.
(Cliquer sur les images pour les agrandir.)
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Donc on peut dire qu’esthétiquement, ces intras ne sont sans doute pas les plus discrets — même si, pour ma part, je les trouve assez jolis ! En tout cas, leur fabrication m’a paru irréprochable… mais c’est probablement le moins qu’on puisse attendre d’écouteurs aussi onéreux.
Compte-rendu d’écoute
L’écoute initiale des MAD24 m’a laissé un sentiment de quasi-perfection. Leur spectre, notamment, me paraissait équilibré, ou, en tout cas, sans défaut notoire, avec une bonne extension tant dans le haut que dans le bas de la réponse fréquentielle. Mais cette perfection, comme j’ai fini par m’en apercevoir, repose en fait sur une série de choix, de compromis, voire de privations qui ne peuvent vraiment s’entendre et se comprendre que sur le long cours.
Les MAD24 me semblent l’exemple même des intras qui ne se jugent pas « sur un coin de table » et ce qui suit est une tentative de synthèse entre mes premières impressions de ces écouteurs et ce que leur comparaison avec d’autres intras, pendant la dizaine de jours du test, m’a progressivement révélé sur eux.
Tonalité
Les BASSES des MAD24 m’ont, de prime abord, paru aussi présentes que tenues, avec une qualité presque DD dans leur traitement des résonances que ces intras n’écourtent pas : il y a du « gras dynamique » dans la restitution des graves par les MAD24, et cela jusque dans leurs infra-basses qui n’ont rien de creux ni de sec. Le problème est que cette forme de corpulence des basses, quoique nécessaire à l’authenticité de leur rendu (à mes oreilles du moins), se paie en l’occurrence, comme souvent chez les multi-BA qui veulent sonner à l'instar des drivers dynamiques, par un côté brouillon, voire boursouflé. Ce registre me semble mieux restitué par les ToGo! 334, avec une présence qui doit moins à un effet de réverbération ou à un recoupement de résonances qu’à une exactitude dans le traitement de l’enveloppe. La comparaison avec les Drop+ m’a permis d’affiner cette analyse : les basses de ces intras m’ont semblé en effet mieux définies que celles des MAD24 parce que plus percutantes, ce qui est selon moi le signe d’un couple attack/decay plus rapide et d’un sustain mieux négocié.
Les MÉDIUMS des MAD24 m’ont moins immédiatement séduit que leurs basses et m’ont paru un peu en retrait et voilés, mais sans que je leur trouve pour autant un manque d’articulation, loin de là. Leur traitement de ce registre m’a en fait rappelé celui des casques Sennheiser HD6x0 : une forme d’agilité polie, de maîtrise discrète. Cette délicatesse s’entend en premier lieu dans le bas-médium qui, par contraste avec le registre immédiatement inférieur des graves, semble nettement moins charnu et corpulent. Le haut-médium manifeste une retenue semblable. Par comparaison, le rendu global des médiums par les Togo! 334 me semble nettement plus « vivant », c’est-à-dire à la fois plus dense et plus rentre-dedans dans sa partie inférieure — au risque, d’ailleurs, de sonner parfois plus sombre et plus « empâté » — et plus vif et détaillé dans sa partie supérieure. C’est du reste cette dernière qualité qui, plus encore que le retrait relatif du bas-médium, me manque le plus dans la restitution des médiums par les MAD24 : ce côté incisif du haut-médium qui donne comme un surcroît de clarté aux clappements de lèvres et aux mouillures des muqueuses buccales. Sur les Togo! 334, par exemple, j’entends le bruit de la salive de Maynard James Keenan, dans le morceau d’A Perfect Circle « The Package », ce qui n'est pas le cas avec les MAD24. Il est cependant vrai que c’est aussi cette sagesse relative des hauts-médiums dans le rendu des intras d’Ambient Acoustics qui leur permet d’éviter certains écueils dans la restitution des voix, au premier rang desquels les chuintements.
Même remarque sur les AIGUS des MAD24 qui, certes, savent filer haut, sans sibilances ni duretés, mais au prix d’une certaine rondeur qui leur ôte non seulement du mordant, dans la partie inférieure de ce registre, mais aussi de la brillance dans sa partie supérieure.
Dynamique et rendu des timbres
Il ne faudrait pas inférer de ce qui précède que les MAD24 ont un rendu globalement mou ou lent.
Si leur MACRO-DYNAMIQUE n’est guère démonstrative, elle offre à la fois précision et fidélité : avec eux, le signal ne « claque » que quand il le faut. Ce n’est sans doute pas toujours avec l’autorité ni même avec l’ampleur requises mais les différences d’intensité sonore sont plutôt assez bien respectées par les MAD24.
Leur MICRO-DYNAMIQUE est fluide mais véloce, avec un bon sens du groove et une excellente résolution temporelle : les transitoires paraissent naturelles, aisées, et cela même dans le cas d’un signal rapide et complexe enchevêtrant des scansions à diverses hauteurs tonales — tel le « Stillborn Prophet » de Nostromo. Cette dernière qualité rend à mon goût les MAD24 particulièrement jouissifs sur du metal ou du hardcore.
La DYNAMIQUE RELATIVE, enfin, n’est pas en reste : même dans le rendu des tableaux dynamiques les plus complexes, comme par exemple dans certains passages de l’ « In The Morning » de Swell, les Mad24 restituent distinctement les niveaux sonores de chacune des sources, sans niveler leurs dynamiques respectives.
Du coup, c’est le rendu des timbres qui en devient particulièrement juste, authentique : les cordes, sur ces intras, gardent toute leur diversité et les duos de jazz, tel celui de John Tchicaï et Vitold Rek dans « Hullo », sonnent de façon adéquatement cool.
Scène sonore
Le soundstage des MAD24 est un peu plat mais discriminant, sans pour autant verser dans un excès artificiel de résolution latérale. Il est assez éloigné de l’auditeur et très peu enveloppant : la musique, sur ces intras, est mise à une distance presque clinique. On est loin de la capacité d’immersion des FitEar et cela peut nuire grandement à l’interprétation de certains genres — tel l’ambient ethnique de l’ « Alia Ma » d’O Yuki Conjugate. Cet éloignement de la position de l’auditeur par rapport à la scène, sur les MAD24, contribue à l’impression générale de froideur que m’a finalement donnée la restitution de ces intras.
Conclusion
Les MAD24 ne sont pas des intras « brillants » mais sérieux et sûrs — jusqu’à l’ennui. Techniquement réussis, ils m’ont assez souvent refroidi par leur parti-pris objectivant qui place la musique en objet d’étude et l’empêche, pour moi du moins, de devenir moteur d’extase. Certes, ils peuvent s’écouter sans fatigue sur le long cours… mais sans enthousiasme non plus. Il m’est arrivé de passer plusieurs heures d’affilée avec eux sur une play-list variée comportant aussi bien des musiques calmes propices au travail que des morceaux plus entraînants, plus percutants, des compositions électroniques que des prestations acoustiques. A aucun moment le rendu des MAD24 ne m’a choqué ni déplu ni même contrarié. D’un autre côté, il ne m’a jamais exalté non plus.
Ce sont des intras qui m’ont paru globalement très maîtrisés mais sans grande personnalité — un peu comme les Sennheiser HD6x0, justement.
J’ai depuis longtemps un HD650 à la maison ; je ne l’écoute que rarement mais il me sert d’étalon pour juger mes nouveaux casques. Je me verrais bien acquérir des MAD24 pour leur attribuer le même rôle… si seulement ils coûtaient cinq à six fois moins chers qu’à leur prix actuel ! Ce tarif n’est pas délirant ni même injustifié : j’ai bien senti l’énorme effort technique dont ces intras sont le fruit. Ce sont des écouteurs conçus avec soin et fabriqués sans défaut notable. Ils réussissent même, malgré leur embonpoint, à être confortables (dans mes oreilles du moins). Seulement voilà : quand l'envie me prend d'être emporté par la musique que j'aime, que ce soit pour me plonger dans les paysages rêveurs de l’ambient ou me laisser gagner par la fièvre D’n’B, ce n’est pas vers eux que je tendrais spontanément la main.