Avant que tu ne commences à parcourir ce que je nomme une « brève (?!!) de comptoir », j’aimerais t’en toucher deux mots.
Si tu es désireux de trouver toutes les réponses à tes questions, une analyse approfondie, de la rigueur, le pourquoi du comment par A+B, des données techniques, des courbes de réponses fréquentielles, et caetera. Je vais être franc avec toi, ce qui suit a bien des chances de te laisser sur ta faim ou pire, de t’ennuyer ferme. Ne te méprends pas, ta démarche est on ne peut plus légitime et je la respecte. Mais pour ma part, un retour d’expérience, alias feedback, ne saurait être assimilable à un test.
Si tu te décides malgré tout à aller plus avant, garde à l’esprit que même si cette « brève de comptoir » prendra parfois des allures de test dans sa forme et son déroulement, elle n’en est donc absolument pas un, à l’instar de toutes celles que j’ai écrites dans ce lieu et ceux qui l’ont précédés. Elle est le reflet de ce que je suis depuis un bon bout de temps et de ce que je suis attaché à demeurer : un amateur, un aficionado avec un peu, beaucoup de subjectivité, son lot de questions sans réponse, aujourd’hui empreint de ces certitudes qui ne seront peut-être plus celles de demain, mais toujours avec sa passion et sa sincérité.
Voilà, tu sais désormais ce qui t’attend, si j’ose dire. Le cas échéant, il ne me reste plus qu’à te souhaiter une bonne lecture. Dans le cas contraire, je te souhaite de trouver prochainement ton bonheur dans cette quête du Casque idéal.

Isalula
… Si ce n'est certes pas la première fois que je m'apprêtais à faire une nouvelle rencontre, sans me targuer le moins du monde d'être un fin connaisseur et encore moins un expert, j'avoue sans détour un sentiment où se mêlait à la fois la curiosité habituelle et aussi une certaine perplexité. Pour quelles raisons ?
Eh bien, parce que je n'ai pas souvenance qu'un casque ait suscité ce consensus quant à l’ensemble de ses qualités acoustiques, par l’écart, et non la nuance, parfois constaté vis-à-vis de modèles auréolés d’une solide renommée. Alors oui, je dois bien avouer que cela avait un côté troublant, particulièrement pour avoir su mesurer et apprécier au fil du temps l’expérience et la compétence détenues par certains des aficionados qui se sont essayés avant moi à l’Abyss.
Mais commençons par le commencement, puisque nous le voulons bien.
Si l'on pouvait légitimement s'attendre à voir des constructeurs s'intéresser d'un peu plus près à ce segment de marché que représente le Casque Haute-Fidélité, je pense que l'on était tout de même peu préparé à voir émerger un modèle High-End basé sur une technologie datée, coûtant la bagatelle de plusieurs milliers de dollars, et, pour couronner le tout, qui s'avère être le fruit d'une marque jusqu'alors néophyte en matière de casque, en l'occurrence JPS Labs.
Bigre, à quasiment 5 500,00 $ la pièce au pays de l’Oncle Sam (muée en 6 000,00 € sitôt débarquée sur nos côtes), voilà un pari plutôt risqué pour une marque auparavant inconnue des aficionados du casque, et ce quelle qu’ait pu être la durée (5 ans ?) et l’attention portée à la conception de l’objet en question, je trouve.
Force est de déplorer que c’est le genre de positionnement tarifaire qui amènera moult auditeurs à rester bon gré mal gré sur la terre ferme, y compris en faisant abstraction des exigences de l’Abyss, premier du nom, en matière d’alimentation. Quoique, aux dires de plusieurs utilisateurs, son exigence s’avèrerait être en deçà de ce que sa faible sensibilité peut laisser à penser. Pour avoir possédé une paire de casques aux spécifications de cet acabit (AKG K340 et K1000), je nourrissais un certain scepticisme sur ce point, tout en n’ayant rien contre le fait de me fourvoyer, sachant que cela éviterait à certains propriétaires de l’Abyss de se saigner (de nouveau ?) à blanc afin de le sustenter convenablement.
Car, si certains aspects dans la conception de l’Abyss AB-1266 (AB pour Abyss, 12 pour l’année 2012 et 66 pour la taille en millimètres des drivers, dixit Joe SKUBINSKI, son concepteur) se démarqueraient plus ou moins des recettes éprouvées, ce casque planar magnétique (et non orthodynamique, toujours selon son créateur) ne diffère pas pour autant des caractéristiques électriques communes à cette catégorie, autrement dit une sensibilité allant de faible à moyenne, ainsi que d'une impédance du même ordre. Ce qui me paraissait signifier concrètement qu’un paquet d’amplis casque ne disposerait pas de l'alimentation adéquate afin d'être en capacité de relever pleinement le défi d’une sensibilité affichée de 85 dB ! Et donc d’être prédestinés à boire plus ou moins la tasse lors de cette tentative.
Plouf !!! Touché, coulé ! Comme quand on joue à la bataille navale. En clair ? C’est ce qui s’est produit, à ma grande surprise, en tentant d’associer l’Abyss avec mon ampli à tubes SinglePower Special Edition, lequel étant pourtant capable de piloter sans le moindre problème mon AKG K340, ainsi qu’une flopée d’autres casques, dont le K1000, selon l’un de ces anciens propriétaires. Pour ma part, seul l’AMT avait été jusqu’à aujourd’hui en mesure de le tenir en échec. Déroutant…
Un incident d’autant plus fâcheux qu’il rendra de facto caduque tout comparatif de l’Abyss entre différents amplis casque. Pire encore, il proscrira dans la foulée les quelques casques dépourvus de connectique symétrique que j’avais la possibilité d’emprunter, tant l’unique sortie asymétrique dont est doté le seul ampli restant en lice par la force des choses, fait décidément pâle figure en comparaison de ses voisines de conception symétrique.
Pour ne rien arranger, la ténébreuse entité électronique* dont je me suis attaché les services spécifiquement pour cette rencontre est vouée jusqu’aux tréfonds à motiver de gré ou de force des casques autrement plus énergivores que mon infortuné JVC HA-DX1000 Casques-Headphones Edition, seul casque à avoir survécu à ce naufrage. Un problème de couple qui se manifeste concrètement au travers d’un léger bruit de fond et d’une rotation du potentiomètre de volume fort limitée.
Tant pis, il me faudra donc partir à la découverte de l’Abyss avec les moyens du bord. C’est-à-dire à partir d’un système composé d’un lecteur CD Creek Evolution 2 utilisé en tant que drive, d’un convertisseur PS Audio NuWave câblé en symétrique vers un amplificateur Ray Samuels Audio Emmeline *The Dark Star, d’un (infortuné) JVC HA-DX1000 pour s’être vu (brièvement) livré en pâture à ce monstre, un panel d’albums issus de divers horizons musicaux (Loreena McKENNITT, Joe BONAMASSA, Mary GAUTHIER, Michel JONASZ, Kate BUSH, Angelo BRANDUARDI, Agnes OBEL, PINK FLOYD, Elliot GOLDENTHAL, et caetera) et enfin d’une paire d’oreilles en carton.
Primo, on le (oh) hisse…
Comme je l'ai déjà mentionné par le passé, pesant n'est pas fatalement synonyme d'inconfort. Ce ne sont pas, du moins en ce qui me concerne, les Audeze LCD-2 et 3 testés de fraîche date qui le contredira. Mais qu'en est-il de l'Abyss, qui s'avère être, avec plus de 660 grammes affichés sur la balance, le casque (d’hommes ?!) le plus lourd avec lequel je me serais embringué à ce jour ?
Ma foi, le large bandeau d’arceau en cuir rembourré dont il est équipé remplit son office puisque le poids conséquent du casque ne se fera pas plus ressentir que ça, et ce même après avoir coiffé l’Abyss durant plus de trois heures d’affilée.
Deuxio, on se cherche la posture idéale…
Le port de tête de l’Abyss pourrait, quant à lui, s’avérer plus rédhibitoire pour se démarquer nettement de ses rivaux, puisque les oreillettes à fixation magnétique en cuir de peau d’agneau, orientables au gré de la morphologie de l’auditeur, ne toucheront que partiellement le pavillon de l’oreille, et ce quel que soit le positionnement que l’on a opté pour l’orientation des écouteurs. Un dispositif qui m’évoque dans une moindre proportion celui équipant l’AKG K1000. Mitigé les premières heures, je m’y habituerais assez rapidement, avec le sentiment que si le degré de maintien et de stabilité habituel est irrémédiablement en deçà des modèles circum-auraux de facture classique, faute de pression d’arceau, le concept ne fut pas de nature à générer sur moi un réel facteur d’instabilité.
Tertio, on fait le vide…
Que le casque soit doté d’une architecture ouverte ou non, est-il nécessaire de vous dire, avec un tel concept, d’abandonner tout espoir de pouvoir bénéficier de la moindre isolation phonique avec l’Abyss ? En effet, ce dernier et le K1000 me paraissent être ex aequo sur ce critère. Il faudra donc non seulement du temps devant soi, mais également du silence autour de soi pour s’immerger musicalement en compagnie de ce casque.
Si le design est « rudimentaire », j’y viendrais plus loin, la structure semble quasiment indestructible et l’assemblage n’appelle aucun reproche. Ce n’est pas seulement du très solide, c’est carrément du massif, au point qu’un Beyerdynamic fait un peu frêle comparativement.
Tant que j’y pense, l’Abyss a été fort conciliant envers le porteur de lunettes que je suis.
Si l’Abyss est loin d’être livré sans attributs, je ne cache pas que la fourniture en série d’une paire d’oreillettes supplémentaire n’aurait pas été incongrue au regard du tarif de base où il se situe. D’autant qu’en ce qui concerne l’Abyss, le système de fixation de type magnétique qui singularise ses oreillettes ne permettra sans doute pas la moindre alternative quant à leur remplacement.
Ne voyez aucun parti pris dans ce qui précède, car j’aurais émis exactement la même observation dans un compte-rendu dédié au Stax SR-009. A ce niveau de prix, je ne transige pas.
Il en est de même pour ce qui concerne la durée de garantie octroyée par JPS Labs, laquelle était de seulement un an, tout comme chez Stax sauf erreur de ma part. Alors, soit, nous bénéficions en tant que citoyen européen d’une durée légale de deux ans ; pour autant regretter qu’une garantie de cinq ans ne soit pas de l’initiative du constructeur pourrait-il sembler excessif ?
Tout est bien qui finit assez bien sur ce point puisque le constructeur octroiera une durée de garantie de 3 ans, à condition d’être le premier propriétaire, d’avoir acquis l’Abyss via un point de vente homologué et de s’être enregistré dans un délai de 90 jours à compter de la date d’achat sur le site abyss-headphones.com.
Quid des attributs, justement ? Car, il y en a bien plus que d’ordinaire, alors, parlons-en un peu.
On y trouve tout d’abord un coffret en bois, serti intérieurement de feutrine noire. Le couvercle est de couleur vert turquoise, avec le logo Abyss superposé en lettres grises. A l’intérieur, une sacoche de cuir noir abrite le casque ainsi que les oreillettes, le tout étant logé dans des compartiments alvéolés. Un étui en carton HeadStand contient un pied en aluminium à monter soi-même. On trouve ensuite les différents câbles flexibles gainés de noir, à la finition exemplaire. Ceux-ci se décomposent en trois paires, dont deux sont des adaptateurs (2 XLR femelles vers 1 XLR mâle à 4 broches, 2 XLR femelles vers 1 Jack mâle 6,35 mm) le troisième d’une longueur d’environ 2,50 mètres est monté en XLR 3 broches mâle côté ampli et mini-XLR mâle côté casque. Tous ont été conçus, manufacturés par JPS Labs et sont montés sur des fiches Neutrik, à l’exception peut-être des mini-XLR, dotés d’un ergot de verrouillage et destinés à être connectés aux écouteurs de l’Abyss. On est donc purement et simplement équipé d’emblée pour connecter l’Abyss sur la totalité des amplis casque compatibles.
D'un point de vue pratique, trois câbles dédiés n'auraient certes pas été malvenus. Mais lorsque l'on sait le prix prohibitif du câble équipant l'Abyss (1 000,00 ou 1 500,00 $ ?) cela ne s’avère- t-il pas l’option la plus raisonnable du point de vue pécuniaire ?
Ma foi, étant donné la sensibilité du casque, pourquoi ne pas proposer en option un boîtier faisant office d’adaptateur d’impédance, à l’instar de celui dédié à l’AMT par exemple ? Un dispositif qui permettrait de l’associer à un amplificateur classique pour ceux qui le souhaitent.
Je ne me déroberais donc pas plus longtemps pour ce qui a trait à son aspect. Effectivement, même en faisant preuve d’indulgence, je confesse sans détour que je n’arriverais pas à trouver l’espace d’un instant le moindre attrait visuel à l’Abyss AB-1266. J’en conclurais donc sans hésitation ni regret que les goûts du ou des designers pour un look mêlant l’industriel au gothique s’avèrent irrémédiablement aux antipodes des miens, et cela même en faisant abstraction de mes penchants pour la « boiserie » (Audio-Technica, Audeze ou JVC). Mais comme je le pense et l’ai écrit à plusieurs reprises, un casque s’apprécie à l’écoute, pas à la vue. Et l’écoute, justement, on y vient.
Ou plutôt, on y viendra, car cette brève de comptoir se déroulera en deux épisodes. J’achève donc avec ces quelques mots le premier d’entre eux et vous propose de nous retrouver d’ici quelques temps afin de vous confier la suite de mon aventure vers l’Abyss, une aventure dont je ne suis pas vraiment encore revenu pour m’avoir emmené bien plus loin que je ne l’avais supposé...