Avant que tu ne commences à parcourir ce que je nomme une « brève (?!!) de comptoir », j’aimerais t’en toucher deux mots.
Si tu es désireux de trouver toutes les réponses à tes questions, une analyse approfondie, de la rigueur, le pourquoi du comment par A+B, des données techniques, des courbes de réponses fréquentielles, et caetera. Je vais être franc avec toi, ce qui suit a bien des chances de te laisser sur ta faim ou pire, de t’ennuyer ferme. Ne te méprends pas, ta démarche est on ne peut plus légitime et je la respecte. Mais pour ma part, un retour d’expérience, alias feedback, ne saurait être assimilable à un test.
Si tu te décides malgré tout à aller plus avant, garde à l’esprit que même si cette « brève de comptoir » prendra parfois des allures de test dans sa forme et son déroulement, elle n’en est donc absolument pas un, à l’instar de toutes celles que j’ai écrites dans ce lieu et ceux qui l’ont précédés. Elle est le reflet de ce que je suis depuis un bon bout de temps et de ce que je suis attaché à demeurer : un amateur, un aficionado avec un peu, beaucoup de subjectivité, son lot de questions sans réponse, aujourd’hui empreint de ces certitudes qui ne seront peut-être plus celles de demain, mais toujours avec sa passion et sa sincérité.
Voilà, tu sais désormais ce qui t’attend, si j’ose dire. Le cas échéant, il ne me reste plus qu’à te souhaiter une bonne lecture. Dans le cas contraire, je te souhaite de trouver prochainement ton bonheur dans cette quête du Casque idéal.
Isalula
… Après la rencontre du Grado PS1000, j'ai commencé à m'interroger… Ma balade sur Headphone Road arrivait-elle d’une certaine manière à son terme ? Y avait-il encore d’autres Casques à même de me faire ressentir cette exaltation familière pour l’avoir éprouvée à plusieurs reprises ? Bien sûr, je serais bien ingrat de faire si peu de cas de l’Alessandro Music Series Two alias MS2 qui m’accompagne depuis peu mais je dois bien reconnaître que notre équipée de fraîche date n’est que la conséquence de changements significatifs survenus dernièrement et non sans bien des difficultés d'ailleurs, dans mon bar.
Ultrasone à l’instar de Sony et Denon s’était jusqu’ici avéré hors d’atteinte. Mais grâce à superfred21, cela appartenait désormais au passé. Cette fois encore, je ne peux que lui témoigner ma reconnaissance pour la générosité dont il a fait preuve en me prêtant son Ultrasone, et quel Ultrasone mes aïeux ! Rien de moins que l'edition 9 !
Je contemple cette mini-mallette rigide noire et argentée au look sobre et élégant… Je l’ouvre… L’edition 9 s’offre pour la première fois à mon regard… Aucun doute à nourrir à ce sujet, il est bel et bien de ceux qui susciteront pendant longtemps l’attrait d’un grand nombre. Le Casque, l'adaptateur Jack 6,35/3,5 doré, tout comme son câble symétrique et inamovible de 3 mètres sont soigneusement enchâssés dans leurs écrins de mousse. Un petit livret décrivant, entre autres, les technologies mises en œuvre à l’instar de la S-Logic pour ce qui concerne la perspective sonore et également le blindage ULE (Ultra Low Emission) dédié à protéger l’auditeur de l’exposition aux champs magnétiques basses fréquences achèvent de mettre un terme à cette description.
Son design déconcerte au premier abord pour agglomérer chromes et autres dorures stylisées à un châssis de plastique. Si cela fait indéniablement cheap au regard de son rang, il faut lui concéder ceci : Il s’avère relativement léger (310 grammes) et fait preuve d'une excellente stabilité. Il se prêterait plutôt bien à la balade autant par son port, sa structure pliable, que par ses spécifications (30 Ω & 96 dB) sauf en ce qui concerne la longueur de son câble qui paraît inadéquate dans le cadre d'un usage nomade. Le clamping, sans être excessif, se fera tout de même ressentir au bout de plusieurs heures. Probablement le prix à payer pour une isolation phonique qui m'a semblé satisfaisante tout en sachant que je suis relativement profane en la matière et que je n'ai pas souhaité me hasarder à flâner en sa compagnie à l'extérieur. Une fois autour de mon crâne, je ne ressens pas la moindre appréhension ou hésitation dans mes mouvements. Le crantage de l’arceau est fluide et précis. Je peux constater à mon tour que les pads en cuir de peau de chèvre d'Ethiopie, un atypisme régulièrement mentionné dans l'évocation de l'edition 9 s'avèrent bel et bien extrêmement agréables. Le bilan sera mitigé pour être entaché par des câbles d'une finesse ayant une forte propension à l'entortillement et des écouteurs chromés friands de la moindre trace de doigts. J'hésiterais enfin à classer catégoriquement l'edition 9 dans la catégorie des Casques circum-auraux, ses oreillettes n’étant pas d’une envergue suffisante pour englober totalement mes oreilles qui n’ont pourtant rien en commun avec celles du Grand Méchant Loup, morbleu !
L’association RudiStor & Ultrasone ayant été plébiscitée, le défi sera donc relevé par mon vieux briscard de RudiStor RP-33 SE, épaulé par mon lecteur cd Thule CD150B, et enfin par un autre Casque de référence, j'ai nommé le HD 800 !
Jesse SYKES & THE SWEET HEREAFTER drinking with strangers
Une guitare à gauche et la chanteuse à droite (0.52 mn)
Pas d’effet bulle intempestif, le S-Logic, cette technique d’ambiance sonore dont Ultrasone vante les bienfaits semble donc ici faire son office.
Jesse SYKES & THE SWEET HEREAFTER drinking with strangers
Une seconde guitare se manifeste, cette fois à la droite de la chanteuse (1.02 mn)
Instrument et voix sont parfaitement détourés sans évidemment remettre en question le degré d’aération d’un K1000. L’edition 9 fait jeu égal avec le HD 800, il n’y a pas la moindre confusion de part et d’autre. L’écho des notes se déploie davantage sur le HD 800.
DIRE STRAITS Edition Super Bit Mapping love over gold
Les notes du clavier, papillonnantes, progressent de la gauche vers la droite pour revenir à leur point de départ, semblant tâtonner quelques instants avant de s’éteindre graduellement (5.26 mn/6.07 mn)
Le HD 800 détient une image plus ample, les notes partant d’un peu plus loin pour s’élever plus haut. Celles-ci sonnent plus impactées, plus mates si je puis dire avec l’edition 9.
Katie MELUA learnin’ the blues
Une voix cristalline, les notes perlées qui s’échappent langoureusement du piano… Une ambiance feutrée au rythme sensuel à laquelle il est difficile de rester de marbre.
Si l’edition 9 ne fait pas non plus figure d’éléphant dans un magasin de porcelaine, il faut bien avouer qu’il n’est pas le mieux placé pour distiller toute la subtilité d’un piano aux notes aériennes, de cette voix gracile aux inflexions frémissantes. Son assise dans le bas du spectre se fait parfois inopportune et puis la magie du lieu pâtit significativement du soundstage de l’edition 9. Il lui manque ce petit supplément d’âme face à un HD 800 décidément plus raffiné, plus sobre et plus ample.
Francis CABREL l’essentiel 1977 - 2007
L’intro pour son ambiance à la fois live et intimiste, pour le modulé de la guitare du poète et cette poignée de mots aux intonations vocales caractéristiques de CABREL : qu’on aime… (0.24 mn) fluette… (1.14 mn) court… Le r qui roule, magique ! (1.33 mn) Et enfin descendre… (1.46 mn)
L'edition 9 ne me convainc pas vraiment non plus dans son interprétation des mots comme des notes, même si en termes de timbres ceux de l’Ultrasone possèdent de la nuance. La scène sonore sur les passantes est plus étriquée, l'ampleur des applaudissements et la clarté qui s'en dégagent se restreignent éloquemment face au HD 800. La guitare sèche se fait proéminente, aux accords chargés d'énergie. L'énergie n'est pas un aspect négatif en soi, mais elle doit s’exprimer de manière appropriée, c'est-à-dire laisser la part belle à la sensibilité et la nuance. Affaire de goût, certains trouveront sans doute un aspect charnel dans la restitution du morceau par l'edition 9, pour ma part je la trouve plutôt corpulente. A nouveau la magie du lieu pâtit d'une ouverture étroite et d'une spatialisation limitée. Au fil d’autres chansons hors-saison, les gens absents... Je prends acte que l'Ultrasone n'est ni confus ou simplifié, mais qu'il ne me paraît pas être né pour exprimer toute l'émotion contenue au sein de ces murmures étreints par les regrets, de ces accords mélancoliques et tourmentés ou de ces bribes hantées par l'amertume d'illusions à jamais perdues. Il lui manque décidément ici tempérance, ouverture et ciselé qui sont l’apanage du HD 800.
Alors soit, cédons la place à des extraits plus nerveux, ce qui semble être vraisemblablement le terrain de prédilection de l’edition 9.
Chris REA auberge
Ambiance nature, bruits de bottes, bouteille qui roule et porte qui claque en intro… …Le jeu successif des guitares électriques (1.29 mn/2.36 mn)
L’écoute du morceau confirme, si besoin est, une ouverture de l’edition 9 en deçà de celle du HD 800, ce qui ne l’empêchera pas à son tour de tenir la dragée haute à son rival. Le S-Logic gère au mieux la spatialisation des bruits ambiants qui parsèment l’intro. Tout ouvert qu’il soit le HD 800 ne prend pas l’ascendant sur ce passage. Mais surtout, l’edition 9 fait déjà jouer ses muscles, cette fois à bon escient : L’impact des bottes sur le sol, le grondement du moteur, ce clavier aux notes plus appuyées… Et ensuite, les guitares aux sonorités moins accrocheuses qui resteront certainement l’apanage exclusif d’un certain Grado qu’il me paraît superflu de nommer. Tout cela sans durcir le ton pour autant, car l’edition 9 exprime des labiales, sans voile ou coloration notables, avec des accents d’une rondeur qui met parfois le HD 800 en difficulté. Ca se gâte un peu lorsque les instruments et la voix se rejoignent, la restitution de l'edition 9 en dépit du procédé S-Logic semble compacte, n’abolissant pas suffisamment les limites inhérentes à son architecture fermée.
Et me voilà habité d’une allégresse familière, me poussant à aller de l’avant… Enjoy !
DIRE STRAITS Edition Super Bit Mapping it never rains
Le son DIRE STRAITS à son apogée, transcendé par une guitare aux accords goguenards et exaltés (4.58 mn/7.53 mn)
Doux Jésus ! Quel punch ! Au point que quand tout s’emballe je ne résisterais pas longtemps, pour me laisser à mon tour chahuter par ce foudre de guerre d’edition 9. Je prends tout de même le temps de constater que la comparaison à la volée du HD 800 versus l’edition 9 est choquante. Le Sennheiser semble soudainement être affublé d’un grave atrophié et d’un tempérament presque pusillanime ! C’est tout bonnement sidérant quand je songe à la teneur de ma récente confrontation entre lui et le Grado PS1000 ! La ligne de basse dénuée d’emphase fait preuve d’une présence et d’une vitalité inédites concourant à une homogénéité accrue. Powaaa ! Ces impacts de batterie sont un pur régal. Le HD 800, plus éthéré, met davantage guitares et claviers en valeur au détriment d’une batterie semblant soudainement manquer cruellement de force et de corps. Les envolées des guitares ne se déploient hélas pas tout à fait autant avec l’Ultrasone qu’avec le Sennheiser mais dans l’ensemble c’est bigrement jouissif sans pouvoir rivaliser avec la maestria d’un Grado RS-1. Malgré toute cette débauche de talent, je ne peux m’empêcher de trouver la restitution un chouïa congestionnée au plus fort du morceau. Ca a beau être lisible et cohérent, ça ne respire pas autant qu’il le faudrait pour que je me laisse absolument emporter par la clameur de l’edition 9.
DIRE STRAITS Edition Super Bit Mapping telegraph road
Ce Casque est réellement incroyable d’énergie… Il faut entendre ce grondement faisant vibrer éloquemment l’atmosphère durant l’intro. Le HD 800 le restitue aussi mais à sa manière, plus sage et plus subtile. Il sonne aussi plus sec, plus fin face à l’edition 9 comme si on avait profondément altéré son équilibre tonal pour favoriser le haut du spectre. L’étagement des plans semble un peu plus distinct avec le HD 800, plus éthéré. Quels que puissent être les écarts de niveau lors de la furia qui va conclure le morceau, ceux-ci ne mettront pas un instant l’edition 9 en difficulté pas plus qu’ils n’avaient été en mesure de le faire avec le HD 800.
Le Sennheiser a beau marquer quelques points en termes de nuances vis-à-vis d’un edition 9 au bas du spectre plus démonstratif, c’est bel et bien ce dernier qui mène le bal.
Peu de temps avant cette rencontre, je m’étais demandé si l’on pouvait amalgamer l’edition 9 à un pseudo « super Grado » par certains aspects et la réponse est plutôt positive. Par son énergie surtout et avant tout, puis dans sa présentation frontale qui sera familière aux aficionados du Grado SR325i, du RS-1 ou de l’Alessandro MS Pro pour ne citer que ceux-là. Mais cela s’arrête là, car la signature tonale de l’Ultrasone est de facto assez différente.
Son grave est particulièrement redoutable, par son impact et sa texture. Il est aussi fulgurant mais résolument axé sur la rondeur et non sur la sécheresse comme celui du RS-1. Face à ce dernier, l’edition 9 affirme également sa différence au travers d’un médium/aigu moins en avant, moins typé et moins cassant. Il sait faire preuve de justesse, sans atteindre une nuance de timbres équivalente à celle du HD 800. Alors soit, les guitares ne chatoieront à aucun moment avec l’edition 9 comme mon ancien RS-1 Classic me les avait si bien fait entendre. Mais ce qu’il a à offrir peut aisément satisfaire car je ne lui connais aucun rival à même de détenir l’énergie phénoménale, l’enthousiasme communicatif et la maitrise du grave qui sont les siens. Tout cela, je le répète, allié à des timbres sans coloration outrancière, ou à de l’agressivité. Ceci dit, je dois bien avouer que malgré les tempêtes au sein desquelles je me suis immergé de mon plein gré, j’ai parfois avec un petit pincement au cœur déploré que l’Ultrasone n’ait pu hériter d’une ouverture et surtout d’une aération analogue à celle du Sennheiser. Si le procédé S-Logic fonctionne, il affiche tout de même ses limites lorsque la fête bat son plein et que tout ce joli monde s’en donne en même temps à cœur-joie.
Son ouverture est donc, de facto, assez restreinte. De même son degré d’aération n’égale pas ces rivaux d’architecture ouverte en dépit de la technologie mise en œuvre. Ces aspects m’amènent d’ailleurs à m’interroger sérieusement quant à mes éventuelles préférences pour des Casques ouverts ou a minima semi-ouverts. Qui sait ? Peut-être de prochaines rencontres avec des Casques fermés me le confirmeront. Mais quoi qu’il en soit, je peux attester qu’en ce qui concerne l’edition 9, il a l’art et la manière pour inciter à remettre cette question à plus tard.
La polyvalence n’est donc pas son point fort, mais somme toute, il ne fait que conforter mon opinion sur le sujet. En effet, il me paraît dangereusement illusoire de partir du principe que le lot commun des modèles hauts de gamme tel que l’edition 9 est celui d’un degré élevé de polyvalence. A l’issue de certaines rencontres, j’en ai plutôt tiré la conclusion que l’excellence est inversement proportionnelle à la polyvalence.
Just my two cents, guys…
Headphone Road
Juillet 2010
Encore merci à toi, superfred21 !