Après le retour d'Ony sur les Bali, voici le mien !
Avant tout, je tiens à remercier notre camarade Aldo, créateur des Bali, pour m’avoir confié ces intras et MrLocoLuciano pour avoir organisé leur prêt tournant.
J’ai essayé les Bali pendant une semaine avec des embouts Whirlwind et un câble Han Sound Zen 4-wire branché à la sortie casque symétrique d’un A&K Kann qui est remarquable à la fois par sa puissance et sa faible impédance. Il est à noter que c’est un lecteur au rendu plutôt droit, voire « froid ».
Ergonomiquement, les Bali ont été pour moi un sans-faute. J’ai trouvé leur port confortable et pu obtenir avec eux une occlusion auriculaire parfaite et durable. Cela dit, je ne les ai pas testés en situation de nomadisme mais uniquement à la maison.
Pour terminer ce préambule, je me permets de vous rappeler, par l’illustration suivante, le découpage conventionnel de l’enveloppe d’un son, c’est-à-dire des variations dans le temps de son intensité sonore, car j’y fais plusieurs fois référence dans ce retour…
Morceaux utilisés pour ce test :
— A Perfect Circle, "The Package" :
https://www.youtube.com/watch?v=m2Yhn6-jJPE
— Pixies, "Where Is My Mind" :
https://www.youtube.com/watch?v=N3oCS85HvpY
— Nirvana, "Dumb" (
Unplugged in New-York) :
https://www.youtube.com/watch?v=GtBhclCigH0
— Swell, "In The Morning" :
https://www.youtube.com/watch?v=-XwoKUyVbnA
— Eels, "Daisies of The Galaxy" :
https://www.youtube.com/watch?v=vDukJXiZhPE
— Robert Rich & Lustmord, "Synergistic Perceptions" :
https://www.youtube.com/watch?v=Gy6Rg7irrZc
— Gianni Stiletto, "Reality Port 23" :
https://www.youtube.com/watch?v=fNMuM3QrnX0
— Nostromo, "Stillborn Prophet" :
https://www.youtube.com/watch?v=m4U2yeQtdgs
— John Tchicai & Vitold Rek, "Hullo" :
https://www.youtube.com/watch?v=yx2r5CsdrzI
Les Bali restituent assez fidèlement le
SOUNDSTAGE des prise de son en studio, comme j’ai pu le constater aussi bien sur « The Package » d’A Perfect Circle que sur le « Where Is My Mind » des Pixies. Ce genre d’espace d’enregistrement relativement confiné ainsi que le positionnement (réel ou reconstruit) des interventions sonores dans cet espace sont rendus par ces intras sans exagération dans la latéralisation (droite et gauche y sont bien distincts mais n’y jouent pas à l’écarté) et avec un assez bon sentiment de la profondeur. L’un dans l’autre, sur ce type de musiques, j’ai eu l’impression d’avoir affaire, avec les Bali, à une spatialisation authentique, au dimensionnement « naturel ».
Il n’en a malheureusement pas été de même avec les enregistrements de concert, même les plus travaillés en amont, avec une mobilité assez réduite, pour ne pas dire inexistante, des intervenants. Dans la restitution du
MTV Unplugged de Nirvana, par exemple, j’ai eu du mal à situer les sources dans le panoramique ou, plus précisément, à bien discerner leur contour. Elles m’ont paru, sur les Bali, avoir des limites diffuses et présenter, en somme, les symptômes d’un détourage déficient. L’étagement des plans en profondeur et notamment les positionnements relatifs des membres du groupe selon l’axe frontal ne m’ont pas paru plus précis sur ces intras.
Les Bali proposent en fait une scène à la géométrie peu adaptative qui altère assez fortement les résonances naturelles des sons : c’est une sorte de vague amphithéâtre de taille moyenne, doté d’une certaine réserve de profondeur et assez restreint sur les côtés, où toutes les interventions sonores donnent l’impression d’avoir été traitées par une réverbération à coloration « domestique » — comme on pourrait en avoir, par exemple, dans un salon de musique dont les résonnances internes n’auraient pas été soigneusement étudiées ni corrigées.
C’est cette espèce de spatialisation préconçue, artificielle et déformante, qui rend particulièrement difficile, sur les Bali, la juste perception d’espaces sonores composites qui, dans le signal, confèrent aux instruments des reverbs différenciées. Je pense notamment à l’« In The Morning » de Swell dont ces intras restituent mal le soundstage complexe, en gommant les spécificités spatiales ou de résonance de chaque source et en brouillant du même coup la séparation dans toutes les dimensions.
Aldo m’a confié, en réponse aux questions que je lui ai posées pour préparer ce compte-rendu, qu’il avait élaboré les Bali sur la base technique des EM32 d’Earsonics. On ne s’étonnera donc pas de trouver chez les intras d’Alambic Ears une
TONALITÉ assez similaire à celle du produit du concepteur héraultais.
Les
graves des Bali sont plutôt agréables et m’ont paru authentiques, notamment les mid-basses que j’ai trouvées profondes, charnues et plutôt bien texturées. Les infra-basses (en dessous de 80 Hz) ne sont pas en reste sur ces intras : à la fois percutantes et détaillées, elles peuvent à l’occasion paraître trop présentes, voire
boomy, même dans la restitution d’un morceau pop-folk à la production aussi « carrée » que le « Daisies of The Galaxy » d’Eels, et cela, sans doute, à cause d’un sustain excessif dont les débordements sont peut-être dus à une débauche de résonances dans le rendu de ce sous-registre. J’ai particulièrement bien perçu ce travers dans la restitution de la ligne de basse synthétique du « Synergistic Perceptions » de Rich et Lustmord : alors qu’elle est censée résonner comme une sorte d’implosion abyssale et donner l’impression d’une descente, d’une involution, les Bali la rendent explosive, envahissante et lui font pour ainsi dire submerger tout le bas du spectre de ce morceau qui, du coup, en perd sa « signification » musicale — celle d’une introspection indéfinie qui va toujours plus bas, plus profond, plus loin à l’intérieur.
Aldo m’a rapporté avoir renforcé les
médiums des Bali par rapport à ceux des EM32, d’avoir en tout cas essayé de les mettre plus en avant. J’avoue que le résultat de cet effort me laisse dubitatif car je retrouve dans le rendu de ce registre par les Bali le traitement qu’Earsonics applique, par exemple, aux médiums des ES5.
Les voix sur les intras d’Alambic Ears me paraissent ainsi encore très en retrait, nimbées d’une sorte de froideur distante et métallique. De même le haut-médium sur ces intras me semble-t-il un peu trop sec, avec un decay trop rapide, ce qui prive par exemple les coups de caisse claire de corps et d’ampleur, que ce soit dans la chanson d’A Perfect Circle ou dans celle des Pixies. Mais c’est surtout le bas-médium qui m’a paru le plus effacé dans ce registre et dont le manque, selon moi, désincarne le plus les voix, surtout les plus rauques, ainsi que les instruments qui ont leur fondamentale dans ce sous-registre.
Cette alliance de hauts-médiums acides et durs, assez aigres, et de bas-médiums déficients donne une impression globale de creusement et d’éloignement, de « tubularisation » des médiums, assez semblable à celle que produirait sur le signal l’application d’un filtre de type « téléphone » (ou une baisse de la fréquence d’échantillonnage).
Le tableau spectral des Bali se dégrade encore plus dans les hauts registres, avec des
aigus qui, quoique dénués de chuintements et de duretés marquées, donc plutôt maîtrisés tant dans leur partie haute que dans leur partie basse, présentent de fortes stridences correspondant à une bosse de la réponse fréquentielle vers 7 kHz. Cet accent à la limite des zones de stridence et de dureté, que j’appelle parfois le « pic de coloration droite », rend par exemple les coups de cymbale à la fois acides et brouillons (dans le morceau d’A Perfect Circle, dans celui des Pixies…) en générant une forme de glare acoustique qui, certes, peut parfois s’accorder à certains genres de musique mais qui n’en reste pas moins une coloration gênante, en particulier dans le rendu de morceaux calmes ou intimistes — tel le titre folk de Swell.
J’en ai déjà parlé un peu mais, côté
DYNAMIQUE, on retrouve le contraste que j’avais déjà perçu dans le spectre des Bali entre les registres.
Au premier abord, la
macro-dynamique des Bali, c’est-à-dire leur restitution des sautes brusques et amples d’intensité sonore, est assez séduisante. Ils offrent un bon rendu des impacts, sobre mais sans sècheresse excessive, qui semble respecter les spécificités du couple attack-decay. Simplement, et je l’ai déjà relevé, cette qualité percussive peut parfois se payer d’un certain manque d’ampleur, en particulier dans les médiums. (Je pense notamment aux coups de caisse claire du morceau des Pixies).
La
micro-dynamique des Bali, quant à elle, montre beaucoup plus vite ses déficiences, avec des enchaînements un peu lents sur des musiques rapides et relativement aiguës et des transitoires dans les médiums-aigus qui sont trop « avalées », ce qui au final plombe assez lourdement le groove, même sur un morceau de drum’n’bass à la scansion aussi fiévreuse que celui de Stiletto. Dans les bas registres, en revanche, là où s’éploie par exemple la ligne de basse de la chanson de Nostromo, les intras d’aldo m’ont paru beaucoup plus respectueux du swing, plus agiles et plus fidèles à la fois.
Enfin, la
dynamique relative des Bali, c’est-à-dire leur capacité à rendre bien audibles toutes les sources d’un morceau à un instant donné, malgré leurs différences d’intensité sonore, m’a, comme leur macro-dynamique, assez immédiatement plu. J’ai trouvé, durant les premières écoutes, que ces intras délivraient de superbes tableaux dynamiques, avec beaucoup de contraste et une très grande finesse de résolution… du moins sur des morceaux calmes et plutôt doux. Car il suffit que le volume et la tension montent pour que la restitution des différences d’intensités sonores par les Bali s’embrouille et pour que les interventions sonores voient leurs présences respectives nivelées par le bas. Dès que je me suis aperçu de ce phénomène, j’ai réécouté les musiques moins « énervées » sur lesquelles j’avais d’abord examiné la dynamique relative des Bali et je me suis rendu compte que, sur ces morceaux, en fait, celle-ci était pour ainsi dire suramplifiée, nivelée par le haut, comme si le signal était soumis à une forme de compression de type loudness.
J’ignore si le
RENDU DES TIMBRES par les Bali peut s’expliquer par tout ce que je viens de dire, mais il se trouve qu’à peu près tous les instruments ayant leur fondamentale dans le bas-médium et les médiums m’ont paru, sur ces intras, avoir leur tonalité comme tirée vers le bas. C’était frappant, entre autres, avec les compositions folk de ma play-list. Les guitares du morceau de Swell, par exemple, sonnent sur les Bali de manière assez sourde et confinée. Je l’ai également constaté avec le duo de jazz de Tchicai et Rek, en particulier dans les bas registres : sur les Alambic Ears, j’ai eu l’impression que le boisé de la contrebasse se confondait avec les vibrations cuivrées du saxo alto. Plus embêtant encore : sur ce même morceau, le saxo m’a paru très distant et la contrebasse, en revanche, trop présente (quoique sans grande texturation), ce qui a produit à mes oreilles une fausse spatialisation, avec l’impression d’un placement de la contrebasse en avant et du saxo en arrière — ce qui n’était pas le cas durant l’enregistrement, bien sûr. C’était même la première fois qu’un système d’écoute me donnait une perception aussi faussée du soundstage de ce duo, et cela, me semble-t-il, à cause du manque d’authenticité du rendu des timbres par les Bali qui jette comme un voile sur les médiums tout en boursouflant les graves.
En
CONCLUSION, vous l’aurez compris, je n’ai guère aimé les Bali d’Alambic Ears. Leur sonorité procède de choix (réverbération des basses, confinement des médiums et stridences des aigus) dont je ne comprends pas la pertinence car j’en détestais déjà les effets chez d’autres marques ou modèles d’intras. Il est vrai qu’Aldo s’est limité lui-même dans leur conception en se choisissant pour base de travail les EM32 d’Earsonics.
Peut-être pourra-t-il profiter de ces retours pour corriger le tir — ou pas, d’ailleurs : cela le regarde.
En tout cas, si vous êtes fan des Earsonics ES5 ou si vous rêviez d’EM32 avec juste des médiums un poil plus en avant, je pense que vous saurez mieux que moi apprécier ces Bali.