J'ai terminé hier soir un livre que je me DOIS de partager (après une brève recherche sur le forum, je m'aperçois qu'il a déjà été cité, mais soit) !
La horde du contrevent, de Alain Damasio.
Dans un monde où le vent souffle en permanence, 23 gus vont remonter les terres à pieds, d'aval en amont, contrer le vent, pour en trouver son origine.
Nous suivons donc les aventures de cette horde, la 34ème, ils sont le résultat de 8 siècles de contre. Le contre c'est toute leur vie, ils sont envoyés en pleine cambrousse dès l'âge de 10 ans.
C'est un bouquin qui m'a fait veiller à 1h du mat en semaine et jusqu'à 3h en weekend, juste pour un chapitre de plus...
Ça faisait longtemps que je n'avais pas été aussi enthousiaste à lire (la dernière fois c'était pour
Le Chardonneret, de Donna Tartt, il y a 4 ou 5 ans, mais je m'égare là)...
Ça parle forcément des liens tissés avec les autres (des années à contrer le vent avec les mêmes têtes, ça soude), mais aussi de l'empreinte que l'on peut laisser, de la vie et de la mort (ouais il peut être ultra violent ce vent), du rôle de chacun dans une société manipulatrice...
Ce qui m'a beaucoup plu c'est le rythme de l'écriture (ou de la lecture si vous préférez). Le discours n'est pas plat, il est vif à certains moments, plus lent à d'autres, on ressent (du moins j'ai ressenti*) un réel tempo, à l'image du vent qui souffle irrégulièrement : tantôt une brise, tantôt une rafale...
J'ai aussi beaucoup aimé les changements de narrateurs : les 23 hordiers prennent tour à tour la narration (bien que la distribution n'est pas équitable), ils nous partagent ainsi leur façon de voir le monde avec leurs propres mots, leur façon de parler et leur personnalité (il y a un signe qui correspond au personnage qui narre au début d'un paragraphe).
Je pense notamment à un passage où Caracole, le Troubadour, présente les différents personnages de la horde. Vous apprécierez la différence de point de vue (et de langage) entre Golgoth (Ω, le Traceur, c'est lui qui ouvre la marche et qui prend le plus dans la gueule, une force de la nature) et Aoi (‹›, la Cueilleuse et Sourcière, elle cherche des fruits, plantes, graines et de l'eau, surtout active lors des pauses, elle est abritée lors des marches). Deux fonctions que peu de notions rapprochent et implicitement leurs avis divergent tout autant :
— Notre soigneuse des plaies de l’âme et du corps, psychologue et médecin, vétérinaire de la harde, cajoleuse au besoin, je vous présente, orphelin que nous sommes, notre maman : Alme Capys !
Ω Le poids mort du troupeau, ouais, pire qu’un traîneau, la Capys : une vache à lait, au mieux. Sans lait. Et laide. À quoi elle sert, ce tas ? J’ai jamais compris les hordonnateurs là-bas dessus. Soigner quoi ? Soigner qui ? Si t’es malade, tu te bats, tu vas pas chougner dans les jupes d’une femelle qui va te donner un bol de soupe, caffi de feuilles de saule, à dégueuler du vert par les naseaux toute la nuit ! Et ça virevolte devant les matelots, avec son sac à patates, ça se croit regardable… Virez-moi ce boulis…
‹› Qu’elle est jolie ce soir, à la lueur des lanternes à huile… Elle a pris le temps de se laver entièrement et ses cheveux châtain clair, encore humides, frisent. La longue robe vert jade qu’elle a revêtue fait ressortir ses yeux et ses formes. [...]