Avant que tu ne commences à parcourir ce que je nomme une « brève (?!!) de comptoir », j’aimerais t’en toucher deux mots.
Si tu es désireux de trouver toutes les réponses à tes questions, une analyse approfondie, de la rigueur, le pourquoi du comment par A+B, des données techniques, des courbes de réponses fréquentielles, et caetera. Je vais être franc avec toi, ce qui suit a bien des chances de te laisser sur ta faim ou pire, de t’ennuyer ferme. Ne te méprends pas, ta démarche est on ne peut plus légitime et je la respecte. Mais pour ma part, un retour d’expérience, alias feedback, ne saurait être assimilable à un test.
Si tu te décides malgré tout à aller plus avant, garde à l’esprit que même si cette « brève de comptoir » prendra parfois des allures de test dans sa forme et son déroulement, elle n’en est donc absolument pas un, à l’instar de toutes celles que j’ai écrites dans ce lieu et ceux qui l’ont précédés. Elle est le reflet de ce que je suis depuis un bon bout de temps et de ce que je suis attaché à demeurer : un amateur, un aficionado avec un peu, beaucoup de subjectivité, son lot de questions sans réponse, aujourd’hui empreint de ces certitudes qui ne seront peut-être plus celles de demain, mais toujours avec sa passion et sa sincérité.
Voilà, tu sais désormais ce qui t’attend, si j’ose dire. Le cas échéant, il ne me reste plus qu’à te souhaiter une bonne lecture. Dans le cas contraire, je te souhaite de trouver prochainement ton bonheur dans cette quête du Casque idéal.
Isalula
… Tout Gradophile que je pense être devenu, je gardais soigneusement à l'esprit que le Sennheiser HD 600 faisait partie des Casques qu’il me fallait découvrir un jour ou l’autre. Et bien, nous y sommes, le moment de faire sa découverte est arrivé.
Si la venue du HD 650 a effectivement signifié la fin du règne du HD 600, celle-ci n'a pas pour autant été le synonyme de sa disparition. En effet, bien que loin de trancher aussi radicalement qu'un HD 800, ces deux Casques ont néanmoins une signature sonore qui leur est propre. Les aficionados du HD 600 ne sont ainsi pas forcément séduits par le HD 650 et inversement, en dépit d’une parenté évidente. Par ailleurs, le HD 600 serait aux dires de certains largement dérivé du HD 580, la principale différence se situant dans le matériau de certains de ces composants. Vrai ou faux ?
Les HD 600 et 650 forment donc l’intégralité de la série 6 du constructeur allemand. Ils sont semblables dans leurs formes, leurs dimensions, leurs matériaux et leurs packagings. J’avoue, soit-dit en passant, une nette préférence pour la couleur bleue parsemant la robe d’aspect marbré du HD 600. Ils sont tous deux d’architecture ouverte, circum-aural, au câblage symétrique et amovible d’une longueur de 3 mètres. Tout comme ceux équipant mon premier HD 650, la fiabilité et la longévité des connecteurs du HD 600 qui m’a été prêté inspire une certaine réserve de ma part. Et enfin, chacun d'eux bénéficie d’un câble qui lui est spécifique.
Pour l’anecdote, les HD 600 et 650 ont tous deux bénéficiés d'un Diapason d'Or, celui du HD 600 datant de 1998.
S’ils partagent également une impédance de 300 Ω, le HD 600 affiche une sensibilité de 97 déciBels. Je ne suis pas en mesure de confirmer le fait que le HD 600 soit de ces Casques difficiles à piloter, car je n’ai eu à aucun moment le sentiment qu’il ait mis mon RudiStor RP-33 SE en difficulté. Ceci dit, je considère depuis longtemps le HD 650, qui possède une sensibilité plus élevée, comme un Casque déjà demandeur en matière d’alimentation, donc…
Si le clamping alias pression d’arceau du HD 600 se fait sentir, le confort procuré par ses oreillettes en tissu recouvertes de velours et ses patins de mousse ornant le bandeau d’arceau bannissent tout sentiment d’inconfort, y compris dans un contexte d’écoutes à long terme. D’un poids raisonnable (260 grammes) le HD 600 offre donc un port de tête extrêmement stable.
A la différence du HD 650, le HD 600 est équipé d’une fiche Jack dorée de 3,5 millimètres sur laquelle un adaptateur 3,5/6,35 mm du même standard peut venir s’enficher. Ici encore je suis surpris par un tel choix, puisque ni les spécifications ni l’architecture du Casque ne le prédispose à un usage nomade. La démarche optée pour le HD 650 est, quant elle, plus logique puisque le Casque est fourni avec un adaptateur 6,35/3,5 millimètres.
Contrairement à ce que pouvait laisser supposer cette entrée en matière, ce n’est pas face à un HD 650 que le HD 600 sera confronté, mais à un Grado RS2i. Pour la seconde fois, force m'est de constater que le tandem Sennheiser & RudiStor offre une synergie des plus fructueuse. Je ne peux pas en dire autant du RS2i, tout comme avec le RS-1 qui l’avait précédé. Sans le moindre doute, la venue d’un ampli à tubes SinglePower avait été bénéfique pour ne pas dire salvatrice, à l’époque où le RS-1 avait fait irruption dans mon bar.
drinking with strangers
Jesse SYKES & THE SWEET HEREAFTER
Une guitare à gauche et la chanteuse à droite (0.52 mn)
La séparation instrument/interprète est équivalente. La présentation est plus directe, comme on pouvait légitimement s’y attendre avec le RS2i.
love over gold
(Edition Super Bit Mapping)
DIRE STRAITS
Les notes du clavier, papillonnantes, progressent de la gauche vers la droite pour revenir à leur point de départ, semblant tâtonner quelques instants avant de s’éteindre graduellement (5.26 mn/6.07 mn)
L’ouverture du Sennheiser est un peu plus large que celle du Grado. Les notes partent et arrivent un peu plus loin, mais leur progression ne me laisse pas avec l’impression d’une perspective plus élevée.
private investigations
(Edition Super Bit Mapping)
DIRE STRAITS
La batterie ponctue à sa manière la conclusion du morceau. Les impacts se succèdent, punchy, en courtes salves à plusieurs reprises : (5.10 mn & 5.56 mn & 6.07 mn)
Ca se confirme, l’image du HD 600 n’est pas plus haute que celle du RS2i. Les salves de batterie restent localisées dans le même plan. Les basses sont plus opulentes avec le Sennheiser, plus sèches avec le Grado, tout en faisant mutuellement preuve d’impact.
des vies
FREDERICKS GOLDMAN JONES
Guitares et batterie s’expriment d’emblée avec fougue. Les accords des premières et les impacts de la seconde se succèdent à un rythme effréné.
Je m’étais attendu à ressentir le Grado prendre l’ascendant dès l’intro… Et bien, pas tant que çà. Energique, rythmé et à l’image plus en relief, le HD 600 se défend bien, dangereusement bien même. Mais malgré tout, le RS2i va s’imposer à moi, grâce à cet équilibre tonal plus montant, ô combien emblématique de la marque américaine et qui sied si bien au genre, même s’il s’avère plus éprouvant. J’entends les guitares s’exprimer avec le HD 600, monter au firmament avec le RS2i. Un jeu de batterie plus rond et plus mat avec le Senn, plus sec et plus clair avec le Grado. La franchise des attaques est très bonne de part et d’autre, mais tout de même plus marquante avec le Grado, aux accents plus rudes comme le justifie le Rock tel que je me le conçois ici. En dépit d’une ouverture un peu plus ample, d’une image plus en relief, l’aération propre au HD 600 ne prendra pas l’ascendant sur celle du RS2i.
les passantes
Francis CABREL
L’intro pour son ambiance à la fois live et intimiste, pour le modulé de la guitare du poète au rendu ciselé et enfin une petite sélection de mots aux intonations vocales caractéristiques de l’artiste… « qu’on aime » (0.24 mn) « fluette » (1.14 mn) « court » Le r qui roule, magique ! (1.33 mn) « descendre » (1.46 mn)
Une guitare qui a plus de corps, des labiales plus étoffées d’un côté. Un toucher de corde qui est plus aiguisé, des inflexions vocales plus épurées de l’autre. Sennheiser, Grado… Les signatures respectives sont criantes d’éloquence. Les échos qui se propagent de part et d’autre attestent d’une spatialisation plus large que haute, un trait commun à ces deux Casques. Il ne reste donc plus qu’à chaque auditeur de faire son choix. Pour ma part, ce sera tout de même ce woody de RS2i, et ce même si l’interprétation du HD 600 ne me laisse pas… de bois.
voyage to avalon
Kenji KAWAI
L’ultime quête commence… Aux chœurs imprégnés de douceur et de pureté, tantôt témoins…
J’écoute pour la énième fois voyage to avalon avec le HD 600 et… je suis sous le charme. Mais il faut garder les pieds sur terre, car la signature du HD 600 certes moins sombre que celle du HD 650 tempère partiellement les imperfections du mastering. Moins lumineux que le RS2i, le détail et la nuance ne sont pas pour autant enfouis. Le haut-médium est de facto plus présent, là où un HD 650 privilégie davantage le bas-médium. Le Sennheiser exprime le chant de la soprano avec beaucoup de sensibilité et avec davantage de justesse que l’interprétation d’un HD 650 m’y avait accoutumé. Loin de la furia contenue dans l'extrait suivant, c'est un extrait faisant la part belle au registre médium. Les instruments s'expriment sans excès, entourant harmonieusement de leurs accents bucoliques la mélopée de la diva. Situés en arrière-plan, les chœurs se font entendre avec la juste mesure. Sans être luxuriant, le HD 600 n’est pas avare de subtilités et me conforte dans le fait d'être le détenteur d’une justesse accrue vis-à-vis de son illustre ainé.
Quant au RS2i... Et bien, je dois dire qu'hormis le PS1000 et dans une certaine mesure le GS1000, les Grado ne m'ont généralement pas parus être les Casques les plus adéquats ici. L'émotion et le lyrisme sont sapés par des forte exacerbés, les instruments manquent de corps, la formation d'assise. Certes, le pressage n'est pas exempt de défauts, mais malgré cela l'équilibre tonal montant du RS2i rend l'écoute crispante, comme taillée à la serpe. Plus moelleux sans être empâté, plus organique sans être corpulent, à l’image plus développée, l’interprétation du HD 600 s'impose à moi ici comme une évidence.
voyage to avalon (orchestra version)
Kenji KAWAI
…Tantôt compagnons d’un éloge vibrant ponctué d’élans à la fureur paroxystique… De ce prélude flamboyant… A l’inéluctabilité du final.
Le prélude était pourtant prometteur, avec les chœurs en ouverture qui se succèdent. Les timbres sont subtils, la représentation est cohérente, exempte de confusion ou d'une sur-définition factice. Harmoniquement, le HD 600 possède ce petit supplément d'âme qui fait la différence. Le RS2i n'est pas mauvais en soi, mais son haut-médium ne possède pas ici la touche de couleur adéquate. Et puis... Et puis... Les choses se gâtent, par une restitution du grave qui est pénalisante. J'imagine que l'interprétation des basses fréquences, telle que la conçoit Sennheiser au travers de la série 6, n'est décidément pas faite pour moi. Cela manque de contour, de finesse à mon goût. Bien sûr, on ne peut être en droit d'attendre une articulation et une tenue dans les poussées telles qu'un PS1000 est en mesure d'offrir, pas plus que la finesse et le phrasé d'un HD 800, mais tout de même. La lisibilité globale en est altérée au point que j'en viens à apprécier contre toute attente la restitution faite par le RS2i, à l’image plus sommaire, et au registre grave écourté, mais que je ressens comme épuré et surtout plus tendu. Evidemment, l'équilibre montant du RS2i est dépréciateur envers lui-même, au travers des cymbales aux accents scintillants, de chœurs aux élévations sifflantes, et enfin de vocalises dont le rendu projeté est crument souligné.
Malgré un tempérament moins enrobé, moins chaleureux, la signature acoustique qui m'est familière avec Sennheiser est tout de même partiellement bel et bien là. Partant de ce constat, le HD 600 est-il à considérer comme le prélude au HD 650 ? Peut-être... A chacun de l'envisager comme étant un aboutissement ou une alternative en fonction de ses affinités.
Quoi qu'il en soit, le HD 650 tout au moins dans sa version dite v1 pour l'avoir bien connue, marque sa différence par un grave plus pléthorique, un médium plus capiteux et un aigu plus émoussé. Des aspects qui ne sont pas sans conséquences sur son équilibre spectral indéniablement plus sombre. Ce qui rend le HD 650 effectivement plus conciliant envers les défauts de mastering que le HD 600. Il est aussi plus dynamique, sa sensibilité étant de 6 dB supplémentaires. Ce qui ne le dispense pas de la nécessité d’être associé à un ampli Casque en capacité de le sustenter, à l’instar d’un HD 600 par voie de conséquence, de mon point de vue cela dit. Mais ceci est une autre histoire.
Headphone Road
Juin 2011
Merci de votre aide et de votre confiance, Eric.