En fait, ce qui me chagrine réellement, dans le système actuel, c'est l'absence d'orientation claire du travail collectif. Personne ne décide vraiment quoi faire ni pourquoi le faire. Cela se fait, c'est tout, et uniquement dans un souci de profitabilité, sans réflexion aucune sur les avantages et les inconvénients durables et globaux de tel ou tel produit (téléphone portable, TGV, etc).
Je pense que réduire de manière significative la durée du travail non réfléchi
Précisément. Plus que réduire le travail lui-même (réduire le temps de travail), on pourrait envisager d'augmenter un peu partout le travail "réfléchi", en autonomie, avec des responsabilités, et réduire le travail routinier et "abutissant". Sans le supprimer pour autant, tout travail comporte une part de routine, y compris l'art, l'enseignement, ou ce que vous voudrez. La différence, c'est que dans certains cas le travail routinier est là comme support, comme moyen pour une fin dans laquelle l'individu trouvera aussi un accomplissement. Dans d'autres cas, notamment les professions peu qualifiées, on n'a plus que le moyen sans la fin.
Réduire le temps de travail pour augmenter le loisir, pas sûr que ça apporte un vrai plus. À vrai dire je craindrais plutôt une atomisation encore plus forte de notre société, et un repli encore plus poussé vers la sphère privée. Repenser le travail différemment, c'est autre chose. mais c'est évidemment complexe. Ça implique des aspects sociaux et culturels, politiques, managériaux, économiques, etc. Je crois pourtant qu'on peut estimer que l'aspect politique est le plus central. En effet, cette question de l'organisation du travail nous fait arriver à celle de la place des entreprises dans la société : l'entreprise appartient-elle à ses propriétaires (les actionnaires), ou appartient-elle à toutes les parties prenantes ? Dans le second cas, la société toute entière est concernée par les décisions d’entreprise, et aussi les salariés. On peut alors justifier une organisation moins rationnelle (rationalité économique) mais permettant plus d'épanouissement personnel à chacun.
Là où c'est politique, c'est que si on dit que l'entreprise appartient aux actionnaires et doit être orientée vers les intérêts des actionnaires, c'est qu'on base sa philosophie politique sur le principe de propriété. C'est lui qui est fondamental. On est alors dans un libéralisme "pur", au sens d'extrême. Je parlerais même de libertarisme. Mais on peut aussi être dans un libéralisme "modéré" (que j'appellerais libéralisme républicain) et prendre plus en compte l'intérêt de la communauté (côté républicain) et aussi de l'ensemble des individus (côté libéral, mais en allant plus loin que la seule propriété pour défendre les individus).
Voilà pour ce que je peux dire sur le travail.
==> Sambagnard : la perspective de régulation sociale que tu adoptes sur le travail est intéressante aussi, et assez pertinente je pense. Ce qui me fait en revenir aux Grecs : ceux qui ne travaillaient pas avaient du "loisir", ce qui signifie le loisir de se consacrer à la politique et/ou la philosophie et/ou l'art. C'était une conception très exigeante, et il n'est pas sûr effectivement que la plupart des gens, quand ils pensent à plus de loisirs, entendent ce genre de choses. De toute façon, toute la société grecque était organisée autour de cela. Donc, là où je suis bien d'accord avec toi, c'est que réduire le travail c'est bien, mais il faut aussi le milieu social et culturel qui va permettre de faire que les gens transforment ce temps de loisir en temps "productif". Bon après, c'est aussi l'oeuf ou la poule : dans quelle société faudrait-il être pour que réduire drastiquement le travail augmente les possibilités de l'humanité, et à l'inverse n'est-ce pas en commençant par réduire le travail que vont se mettre en place des structures ou des comportements qui vont ensuite permettre de convertir ce temps libéré ?